L’IA générative va-t-elle tuer le CV ?

Gaspard Tertrais
15 min readJun 13, 2024

Après son invention il y a plus de 500 ans, le CV a plusieurs fois muté, la dernière en date et pas des moindres : l’arrivée d’internet et la digitalisation de ce bout de papier si utile. Mais depuis 2023 et l’introduction des IA génératives au grand public avec ChatGPT, l’utilité de cet outil indissociable de la recherche d’emploi commence à être remise en cause. N’importe qui peut désormais générer en un clic des dizaines de CV et lettres de motivations de qualité et hyper adaptées à chaque entreprise visée. Que faire pour déterminer les vraies compétences et la motivation réelle des candidats ?

Les entreprises doivent réinventer leurs processus de recrutement pour aller au-delà du CV classique. Et si la solution venait des assistants vocaux d’IA générative, capables de mener des conversations hyper réalistes avec les candidats ? Une piste prometteuse, mais qui soulève aussi de nombreux défis éthiques et humains.

Prêts à découvrir le futur du CV ? Suivez le guide !

Le CV, un outil incontournable du recrutement

Lettre de Léonard de Vinci au Duc de Milan Ludovico Sforza, considéré comme le premier CV (et la première lettre de motivation !). Transcription ici.

L’histoire du CV

Allez, on passe par la case histoire : ça vient d’où en fait le CV ? Bon on commence par le plus facile, CV en latin signifie Curriculum Vitae et signifie littéralement “cours de la vie”. L’expression latine était déjà utilisée au Moyen-Âge par les universités pour désigner le parcours académique d’un étudiant, mais pas encore pour le bout de papier que nous connaissons tous !

Voici une frise du premier CV connu à nos jours :

  • 1482 — C’est Léonard de Vinci lui-même qui rédige ce qui est aujourd’hui considéré comme le premier CV. Dans une lettre adressée au Duc de Milan Ludovico Sforza, il détaille ses (nombreux) talents d’ingénieur et d’artiste pour décrocher un emploi. Un ancêtre du CV qui pose les bases : se présenter à un employeur potentiel pour susciter son intérêt. Et son intérêt, Léo l’a suscité car il passera 17 ans au service du Duc ! Un CV envoyé, une embauche, belle perf’ ! Bon connaissant le personnage, on est pas surpris.
  • 1914 — Dans son livre “How to succeed in business” sorti en 1914, un américain appelé James Libbey commence à formaliser les règles de bases du CV moderne. Avec notamment les sections bien connues et aujourd’hui standard : “expérience”, “formation”, “compétences”. Les fondations posées, c’est dans l’après-guerre et l’essor économique associé que le CV s’impose pour postuler dans les grandes entreprises. Les cabinets de recrutement et les CVthèques se développent, accélérant encore son adoption et le rendant incontournable.
  • 2000 — Internet arrive en force et va faire un ravalement de facade au CV un peu vieillot. C’est la fin progressive du CV papier et des CVthèques physiques. Les jobboards et LinkedIn finissent le travail et le CV en ligne s’impose. Place aux bases de données et au scoring des CV. Pour le meilleur et pour le pire, le recrutement entre dans une nouvelle ère, celle du Big Data.
  • 2023 — Boum ! La transition entre le CV papier et CV en ligne à peine finie, encore un changement en vue pour le CV : En octobre 2023 sort ChatGPT qui introduit l’IA générative au grand public. Un changement majeur attend le CV : on peut maintenant générer des CV et lettres de motivation ultra personnalisés en quelques clics. De quoi remettre en question la pertinence même du CV comme outil de recrutement…

Alors, après plus de 500 ans de bons et loyaux services, le CV est-il en passe de prendre sa retraite ?

Le CV, un outil clé pour les recruteurs : rencontre, motivation, comparaison

En 1973, le co-fondateur d’Apple, Steve Jobs, a écrit un CV d’une page qui comportait des fautes d’orthographe et mentionnait qu’il n’avait pas de téléphone (!). Ce CV s’est vendu aux enchères pour 174 000 dollars en 2018.

Mais au fait, à quoi sert un CV ? Son rôle premier est de permettre une rencontre et une représentation entre un candidat et un recruteur, sans qu’ils aient besoin d’être disponibles au même moment. Sans le CV, un candidat devrait faire du porte à porte dans les entreprises, en espérant tomber au bon moment pour parler au recruteur. Fastidieux et peu efficace… Avec un CV, plus besoin pour le candidat et le recruteur d’être au même endroit au même moment. Le candidat envoie ce précieux document par courrier, par mail ou par LinkedIn et le recruteur peut l’étudier quand il en a le temps. Le CV permet de franchir une première étape, de susciter un intérêt, avant d’obtenir un entretien en chair et en os.

Mais le CV a aussi une autre fonction clé : il donne un aperçu de la motivation du candidat. Prendre le temps de rédiger un CV et une lettre de motivation ciblés pour l’entreprise, c’est montrer son intérêt pour le poste. Un élément précieux pour le recruteur.

Le CV est aussi un formidable outil de comparaison. En standardisant la présentation des profils, il permet au recruteur de comparer rapidement les expériences, formations et compétences de différents candidats. Bien sûr, cela a aussi ses limites, mais force est de constater que le CV facilite le travail de sélection.

Le CV à l’ère de l’IA générative

Une IA qui écrit des dizaines de CV pour aider son maitre humain a trouver un emploi — DALL.E 3, 2024 Gaspard Tertrais

Le CV a survécu à de nombreuses révolutions : de la démocratisation de l’ordinateur personnel à l’avènement d’Internet… Mais avec l’essor de l’IA générative et des outils comme ChatGPT, c’est une toute autre histoire qui s’écrit. Car pour la première fois, la pertinence même du CV est remise en question.

Evidemment, il a toujours été possible d’embellir ou même de falsifier un CV. Certains estiment même que la plupart des chercheurs d’emploi ont déjà menti sur leur CV. Les recruteurs ont pour cela des outils comme la vérification d’antécédents ou des questions pièges en entretien pour débusquer les gros vilains menteurs.

Ce qui change véritablement ici c’est l’ampleur du phénomène et la qualité de la tromperie : Avec les IA génératives, chaque candidat est en mesure de créer des dizaines de CV et de lettres de motivation en un temps record, ciblant des dizaines d’entreprises différentes. Plus besoin de passer des heures à adapter son CV, l’IA s’en charge pour vous. Il suffit de rentrer quelques informations de base (expérience, formation, compétences), de sélectionner le poste et l’entreprise visés, et le tour est joué. En quelques secondes, l’IA génère un CV et une lettre de motivation ultra personnalisés, truffés de mots-clés et de phrases adaptées à l’offre d’emploi.

Mais alors, comment s’y retrouver côté recruteur ? Comment distinguer les profils réellement intéressants et motivés dans cette masse de candidatures générées artificiellement ? Car le risque est grand de noyer les recruteurs sous des CV créés à la chaîne, sans que cela ne reflète la qualité ou la motivation réelle des candidats.

Prenons un exemple concret. Pauline, jeune diplômée en marketing, cherche un premier emploi. Grâce à un outil d’IA générative, elle créé en quelques clics des dizaines de CV ciblés pour des postes de chef de produit, de community manager, de chargé de communication… Des postes certes en lien avec sa formation, mais pour lesquels elle n’a pas forcément de réelle appétence. Pourtant, sur le papier, son profil semble parfaitement correspondre. Elle reçoit de nombreuses propositions d’entretien, mais peine à convaincre en interview, car ses CV ne reflètent pas ses aspirations profondes. Une perte de temps pour elle comme pour les recruteurs.

Autre problème : en se basant sur des modèles pré-établis, l’IA aura tendance à mettre en avant les compétences “attendues” pour le poste, et non les compétences réelles du candidat. Reprenons l’exemple de Pauline. Pour générer ses CV de chef de produit, l’IA va s’appuyer sur les compétences les plus souvent citées dans les offres d’emploi : gestion de projet, analyse de marché, définition de stratégie produit… Des compétences que Pauline, tout juste diplômée, ne maîtrise pas encore pleinement. Mais qu’importe, l’IA les mettra en avant, donnant une image déformée de son profil. Le CV devient alors un simple reflet des attentes du marché, loin des singularités de chaque candidat.

Et ce n’est qu’un début. Avec les progrès de l’IA, on peut imaginer que des agents intelligents seront bientôt capables de postuler de façon totalement autonome pour le compte de leur “maître”. Plus besoin d’intervention humaine, l’IA se chargera de trouver les offres d’emploi correspondant au profil, de générer CV et lettre de motivation, et même de répondre aux premiers échanges avec le recruteur. Une perspective vertigineuse, qui pose de nombreuses questions éthiques.

Le constat est clair : à l’ère de l’IA générative, se baser uniquement sur les CV et lettres de motivation reçus n’a plus de sens pour recruter efficacement. Les entreprises doivent réinventer leur approche pour distinguer le vrai du faux, l’humain de la machine. C’est un enjeu majeur pour ne pas passer à côté des vrais talents, noyés dans un océan de candidatures générées par l’IA. Mais alors, quelles solutions ?

On pourrait avoir l’idée d’une IA pour trier le nombre croissant de CV générés eux-mêmes par IA ? Mais des IA sur d’autres IA pour détecter des IA, ça sonne un peu faux dans ce contexte non ?

Je pourrais vous parler du CV décentralisé sur la Blockchain, cette plateforme publique ou tout est tracé et validé par les organisations elles-même. Par exemple, un candidat ne pourrait plus mentir sur ses expériences car elles seraient toutes “tamponnées” et validées numériquement directement par leur ancien employeur, rendant ce CV standardisé et infalsifiable.

Mais, bien que passionné par cette technologie de la Blockchain, je ne vais pas m’étendre sur le sujet. Si cela vous intéresse, je vous invite à télécharger gratuitement le rapport Blockchain et RH que j’ai écris avec mes associés de Tomorrow Theory. Une référence et une première mondiale sur le sujet de 250 pages, en collaboration avec Mazars et les inputs de l’ADEME.

Non, ma réfléxion porte aujourd’hui sur une application de l’IA générative plus simple à mettre en place à l’heure actuelle : les assistants vocaux.

Les assistants vocaux boostés à l’IA générative pour remplacer le CV ?

L’assistant vocal de ChatGPT présenté en mai 2024

Face aux limites du CV à l’ère de l’IA générative, les entreprises doivent innover pour réinventer leurs processus de recrutement. Et si la solution venait des assistants vocaux d’IA générative, ces nouvelles interfaces qui pourraient révolutionner le travail des recruteurs ?

Assistant vocal ?

Qu’est-ce qu’un assistant vocal ? Vous connaissez tous Siri ou Alexa, les assistants d’Apple et Amazon. Imaginez ces assistants mais avec une voix et une capacité d’interaction indiscernable d’un humain. Ici l’image vous parlera mieux que mes mots, regardez la vidéo ci-dessus avant de continuer la lecture !

Pour les professionnels RH, ces assistants vocaux représentent une opportunité unique de repenser l’expérience candidat, tout en gagnant en efficacité. Imaginez : au lieu de passer des heures à éplucher des CV souvent peu représentatifs, les recruteurs pourraient se baser sur des conversations authentiques, menées par leur assistant vocal. Un gain de temps et de qualité considérable dans la présélection des candidats.

Mieux ! L’assistant vocal pourrait en quelque sorte construire dynamiquement le CV de chaque candidat en interne, et ainsi uniformiser les données internes de candidatures.

Echoes of Tomorrow

Concrètement, voici comment cela pourrait se passer. Pauline, notre jeune diplômée en marketing, postule chez “Assurancia”, une grande entreprise d’assurance. Au lieu de soumettre un CV classique, elle est invitée à dialoguer avec “Victor”, l’assistant vocal d’Assurancia.

Dès les premières minutes, Pauline est agréablement surprise. Malgré l’image un peu “traditionnelle” du secteur de l’assurance, Victor adopte un ton moderne et dynamique.

« Bonjour Pauline, ici Victor, l’IA représentant Assurancia ! Je suis ravi de faire votre connaissance. Chez Assurancia, nous sommes convaincus que l’innovation passe avant tout par les talents. Parlez-moi un peu de votre parcours et de ce qui vous motive à rejoindre notre entreprise ! »

Au fil de la conversation, Victor pose des questions ciblées sur les expériences de Pauline, ses compétences en marketing digital, mais aussi ses qualités relationnelles et son esprit d’équipe. Pauline se sent considérée dans sa globalité, au-delà des lignes de son CV. Victor lui donne aussi des informations sur les valeurs d’Assurancia, son engagement en faveur de la formation continue et de la mobilité interne.

Après 30 minutes d’échange, Pauline a le sentiment d’avoir passé un véritable entretien, sans la pression du face à face. Elle a pu montrer sa motivation et sa personnalité, tout en ayant une vision plus claire de ce que serait son rôle chez Assurancia.

Du côté des recruteurs d’Assurancia, le bilan est tout aussi positif. En analysant le compte-rendu généré par Victor, ils découvrent une candidate au potentiel prometteur, avec un vrai sens du service client et une appétence pour l’innovation. Des qualités clés pour le poste de chargé de communication digitale, qui ne seraient pas forcément apparus sur le CV de Pauline.

Convaincus, les recruteurs décident d’inviter Pauline à un entretien plus poussé en présentiel. Ils savent qu’ils pourront aller droit à l’essentiel, en approfondissant les points identifiés par Victor. C’est un gain de temps et d’efficacité considérable, sans sacrifier la qualité du recrutement.

Les 4C

Les 4 C — source image

Pour les candidats, c’est l’occasion de développer et de mettre en avant les fameuses compétences du 21ème siècle, les “4C” : Créativité, Communication, Collaboration et pensée Critique. Des compétences clés dans un monde du travail en constante évolution, où l’adaptabilité et l’intelligence émotionnelle sont plus que jamais recherchées.

Au lieu d’envoyer des dizaines de CV, les candidats passeraient des dizaines de pré-entretiens avec les assistants vocaux IA de diverses entreprises, leur permettant de développer leurs 4C et de se préparer au mieux au vrai entretien, face à un humain cette fois-ci.

Lors de son échange avec Victor, Pauline a pu démontrer sa créativité en proposant des idées originales pour animer la communauté sur les réseaux sociaux. Elle a fait preuve de solides compétences en communication, en adaptant son discours à son interlocuteur IA. Elle a montré son esprit collaboratif en évoquant ses expériences associatives, où elle a su fédérer des équipes autour de projets communs. Enfin, elle a fait preuve de pensée critique en analysant finement les enjeux du marketing digital pour le secteur de l’assurance. Et elle a également prouvé qu’elle était humaine (pour le moment !).

Autant de compétences qui sont difficiles à évaluer sur un CV ou une lettre de motivation classique, mais qui font toute la différence en situation professionnelle. Avec les assistants vocaux, les candidats ont l’opportunité de les mettre en avant de façon concrète et authentique.

Les RH au cœur de cette transformation

Bien sûr, pour que ce système soit efficace, les équipes RH ont un rôle crucial à jouer. Ce sont elles qui vont “former” l’assistant vocal, en définissant les critères d’évaluation, les questions à poser, les réponses attendues, l’apparence “physique” de l’avatar. Un véritable travail de “design” de l’expérience candidat, où chaque détail compte. Les RH devront aussi veiller à ce que l’assistant vocal respecte les réglementations en matière de non-discrimination et de protection des données personnelles.

Les outils d’IA ne sont pas exempts de risques de biais et de discrimination. En effet, ces logiciels sont entraînés sur des données historiques de recrutement qui peuvent elles-mêmes être biaisées. Si par le passé, certains profils ont été favorisés (hommes, diplômés de grandes écoles…), l’IA risque de reproduire et même d’amplifier ces stéréotypes.

Pour éviter cela, les RH devront veiller à la diversité et la représentativité des données utilisées pour entraîner les modèles d’IA. Un sacré paris à l’heure actuelle où AUCUNE des 10 IA les plus utilisées au monde n’ont encore publié leurs données d’entraînement ou la façon dont elles sont éduquées pour répondre à l’utilisateurs. Les RH devront aussi mettre en place des mécanismes de contrôle et d’audit pour détecter d’éventuels biais. L’IA ne doit rester qu’une aide à la décision, avec un regard humain pour valider les recommandations.

Autre défi pour les recruteurs : apprendre à collaborer avec ces nouveaux “collègues” IA. Il ne s’agit pas de se faire remplacer par la machine, il s’agit de remplacer la rédaction et l’envoi de CV ! Un pré-entretien jouant le rôle de filtre. Les assistants vocaux peuvent prendre en charge les tâches répétitives et chronophages (présélection, planification des entretiens…), permettant aux recruteurs de se concentrer sur des activités à plus haute valeur ajoutée (évaluation fine des candidats, intégration des nouveaux talents…).

C’est un changement de paradigme pour les professionnels RH, qui devront développer de nouvelles compétences. Comprendre le fonctionnement des assistants vocaux, savoir les entraîner et les superviser, interpréter leurs recommandations… Autant de nouveaux savoir-faire à acquérir pour tirer le meilleur parti de ces outils. Ça paraît technique dit comme ça, mais ne vous en faites pas, tout ça va être rendu facile, le plus dur sera de se lancer.

Cette vision n’est pas loin de devenir réalité, des entreprises utilisent déjà les enregistrements vidéos automatisés en ligne dans leur processus de recrutement depuis des années, mais avec les progrès fulgurants de l’IA conversationnelle, la marche s’accélère ! Des entreprises pionnières comme Unilever ou L’Oréal expérimentent déjà des assistants vocaux pour présélectionner les candidats, avec des résultats prometteurs en termes de diversité et d’expérience candidat.

Considérations éthiques et légales : L’AI Act européen

AI Act — niveaux de risques

L’utilisation de l’IA, et notamment des chatbots, dans les processus de recrutement soulève inévitablement des questions sur la collecte et l’utilisation des données personnelles des candidats. Le futur règlement européen sur l’IA, l’AI Act, qui vient d’être voté en Commission Européenne, vise justement à encadrer ces pratiques.

Quatre niveaux de risque définis par l’AI Act

L’AI Act distingue ainsi 4 catégories dans les cas d’usages IA :

  1. Risque inacceptable : les pratiques d’IA interdites car portant atteinte aux droits fondamentaux, comme la notation sociale par les gouvernements ou la justice prédictive.
  2. Haut risque : les systèmes d’IA utilisés dans des domaines sensibles (éducation, emploi, crédit, justice…) et soumis à des obligations strictes.
  3. Risque limité : les systèmes d’IA avec des obligations de transparence spécifiques, comme les chatbots.
  4. Risque minimal : les systèmes d’IA autorisés sans contrainte particulière, comme les filtres anti-spam.

Implications pour le recrutement par IA

Dans le cas du recrutement, l’utilisation de chatbots d’IA pour dialoguer avec les candidats relèverait a priori de la catégorie “risque limité”. Cela implique des obligations de transparence : les candidats doivent être informés qu’ils interagissent avec un agent conversationnel et non un recruteur humain.

Cependant, certains usages pourraient basculer dans la catégorie “haut risque”, par exemple si l’IA est utilisée pour prendre des décisions d’embauche de façon automatisée, sans supervision humaine. Les obligations seraient alors beaucoup plus contraignantes : évaluation des risques, documentation technique, enregistrement dans une base de données européenne, mise en place de mesures de surveillance humaine…

Pratiques interdites et responsabilité éthique

L’AI Act interdit dans le domaine de l’emploi certaines pratiques jugées trop intrusives, comme l’analyse des émotions des candidats (sauf exceptions très encadrées). Même si la tentation peut être grande d’exploiter toutes les possibilités offertes par l’IA pour “décoder” les candidats, les entreprises devront donc s’en tenir à des usages raisonnables et proportionnés et c’est tant mieux !

Au-delà du strict respect de la réglementation, il en va aussi de leur responsabilité éthique. Les candidats doivent rester maîtres de leurs données et de leur image. Cela passe par la transparence sur les processus IA de recrutement, l’obligation pour l’IA de se présenter comme telle au candidat, et la possibilité de ne pas s’y soumettre et de demander la suppression de ses données.

Conclusion

Alors, la fin du CV est-elle proche ? Dans sa forme actuelle, très probablement ! Cet incontournable du recrutement est bousculé dans ses fondements mêmes par l’émergence de l’IA générative. Mais plutôt que de le voir comme une menace, saisissons cette opportunité pour réinventer en profondeur nos processus de recrutement.

Avec des assistants vocaux d’IA comme alliés, nous pouvons redonner une place centrale à l’interaction orale dans le processus de recrutement. Certes, le dialogue se fait avec une machine, mais c’est l’occasion pour le candidat de mettre en avant sa personnalité et ses fameuses compétences du 21ème siècle, les “4C” qui font la différence en entreprise. L’IA devient un facilitateur, un révélateur de potentiel humain, avant le véritable échange avec le recruteur.

Bien sûr, cette révolution soulève de nombreuses questions éthiques. Comment s’assurer que l’humain reste au centre du processus de recrutement, malgré la montée en puissance des interactions homme-machine ? Comment encadrer la collecte et l’usage des données personnelles, pour éviter les dérives d’une IA qui profilerait à outrance les candidats ?

Face à ces défis, les professionnels RH ont un rôle crucial à jouer. Ils sont les garants éthiques de leur organisation, ceux qui doivent définir les limites dans l’usage de ces technologies. C’est à eux de prendre ces sujets à bras-le-corps, pour inventer dès aujourd’hui le recrutement de demain.

Mais l’IA n’est pas seule à réinventer le CV. La blockchain, avec ses CV certifiés et anonymes, ou la réalité étendue, avec ses mises en situation immersives, sont autant de pistes prometteuses. C’est probablement une convergence de ces technologies qui dessinera le futur du recrutement. Aux RH de jouer les chefs d’orchestre pour harmoniser ces innovations au service de l’humain. Un défi exaltant, qui demandera de conjuguer vision stratégique et agilité opérationnelle. L’avenir du CV sera technologique, oui, mais plus que jamais, il devra rester humain !

[Article written on June 13, 2024, by Gaspard Tertrais with the support of the Claude 3 Opus algorithm for approximately 20%. Main image created with DALL.E-3, 2024].

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Gaspard Tertrais

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